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Publication Journal of Hazardous Materials GENAQUA

Microplastiques dans les océans : leur ingestion chronique perturbe la croissance et la reproduction des poissons

INRAE, l’Ifremer, et les universités de Bordeaux et d'Orebrö (Suède) ont étudié la toxicité chronique des microplastiques sur les fonctions biologiques essentielles des poissons. Deux espèces de poissons, l’une marine et l’autre d’eau douce, ont été exposées à différents types de microplastiques, seuls ou enrobés de polluants organiques, pendant 4 mois. Publiés dans la revue Journal of Hazardous Materials du 5 août 2021, les résultats mettent en évidence des défauts de croissance et de reproduction lors d’une exposition à long terme. L'intensité des effets observés varie par ailleurs en fonction de plusieurs variables : type de microparticule, présence ou non de polluants organiques, durée d'exposition.

Les chercheurs ont étudié les effets physiologiques d’une ingestion chronique de microplastiques de polyéthylène (PE) et de polychlorure de vinyle (PVC), les matériaux les plus répandus pour la fabrication d’emballages et d’objets en plastique, seuls ou enrobés de polluants organiques1. L’étude a été menée pendant 4 mois sur deux espèces de poissons : l'une marine, le medaka marin (Oryzias melastigma), et l'autre d'eau douce, le poisson zèbre (Danio rerio).

Plastiques et polluants : un problème de taille... mais pas que

La quantité de débris plastiques dans les océans, notamment des microplastiques, est en augmentation constante. En raison de l’importante diversité des sources de microplastiques et de leur persistance dans l'environnement aquatique, une grande variété de microplastiques est aujourd’hui présente dans tous les écosystèmes marins, et donc dans la chaine trophique2.
Les microplastiques peuvent varier en taille (1 µm à 5 mm), en composition chimique, et dans la nature des polluants et des microorganismes qui les enrobent. Ils adsorbent les polluants organiques environnants, aussi bien à la surface de l'eau où l’on retrouve initialement les plastiques de faible densité comme le polyéthylène (PE), que dans les sédiments où l’on retrouve les plastiques de haute densité comme le polychlorure de vinyle (PVC).
Le perfluoré PFOS (l'acide Perfluorooctanesulfonique) utilisé comme retardateur de flamme dans les plastiques, la BP3 (la Benzophénone3) couramment utilisée comme filtre UV notamment dans des filtres solaires, et le BaP (Benzo[a]pyrène) contenu par exemple dans des dérivés pétroliers, sont des polluants organiques fréquemment détectés dans les systèmes aquatiques.

Perturbateurs de croissance et de reproduction

Une réduction de la croissance, plus précisément de taille et de poids du corps, a été observée chez les poissons exposés quels que soient l’espèce ou le type de microparticule. Ces effets sont bien plus importants au bout de 4 mois d’exposition qu’au bout de 2 mois, ce qui souligne l’importance de mener des études à long terme pour évaluer la toxicité des microplastiques. En outre, la réduction de la croissance (de 20 à 35 %) est principalement visible chez les femelles, probablement en raison de leurs besoins énergétiques plus élevés que ceux des mâles lors de la reproduction.
Des défauts de reproduction ont également été observés, allant jusqu'à 50 % de chute du taux de reproduction habituel. Ces perturbations varient selon les espèces et les types de microplastiques. Chez le poisson zèbre en eau douce, l’exposition combinée au PVC-BaP et au PVC-BP3 entraine un retard dans le déclenchement de la ponte, et l’exposition au PE-BP3 et à tous les PVC, vierges ou portant des polluants, conduit à une diminution du nombre de pontes. Chez le medaka marin, l'exposition à presque tous les microplastiques induit un retard dans le déclenchement de la ponte et une diminution du nombre d'œufs produits par femelle et par jour. Enfin, le PVC-BP3 entraine des troubles du comportement chez la progéniture au stade larvaire.
Ces résultats mettent en évidence des perturbations de croissance et de reproduction des poissons lors d’une exposition à long terme aux microplastiques, qui peuvent conduire à de graves dysfonctionnements écologiques. Ces effets ou leur intensité dépendent du type de microparticule (le PVC étant plus toxique que le PE), de la présence ou non de polluants organiques associés (la BP3 étant plus toxique que le PFOS ou le BaP), de la durée d'exposition, et de la sensibilité des espèces.
Il est désormais nécessaire d’étudier l'influence de la taille et de la composition chimique des microplastiques sur leur toxicité, ainsi que le rôle des additifs. Comprendre les mécanismes sous-jacents aux perturbations biologiques induites permettra d’évaluer dans quelle mesure ces effets peuvent être généralisés à tous les types de microplastiques, afin par exemple de prioriser le contrôle des émissions.
1 Les polluants organiques sont des composés chimiques renfermant au moins un atome de carbone lié, au moins, à un atome d'hydrogène. Les polluants type PFOS, BaP ou BP3 sont considérés comme potentiels perturbateurs endocriniens.
2  La chaine trophique désigne l’ensemble des relations alimentaires entre les éléments d’un écosystème.

Voir aussi

Référence
Bettie Cormier, Florane Le Bihanic, Mathieu Cabar, Jean-Claude Crebassa, Mélanie Blanc, Maria Larsson, Florian Dubocq, Leo Yeung, Christelle Clérandeau, Steffen H. Keiter, Jérôme Cachot, Marie-Laure Bégout, Xavier Cousin. Chronic feeding exposure to virgin and spiked microplastics disrupts essential biological functions in teleost fish. Journal of Hazardous Materials, 2021, 415, pp.125626. DOI: 10.1016/j.jhazmat.2021.125626
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Date de modification : 05 octobre 2023 | Date de création : 27 août 2021 | Rédaction : INRAE Service Presse - Edition P. Huan