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Y-a-t-il des limites à la sélection : le cas des volailles.

Y-a-t-il des limites à la sélection : le cas des volailles.

La sélection avicole a conduit à obtenir des phénotypes extrêmes. L’évolution du poulet domestiqué à partir de la poule de jungle conduit à s’interroger sur l’existence de limites.

MOTS-CLES : sélection, fitness, éthique, environnement, poulet

chm12003-0013
L’analyse de la théorie de la sélection montre que le nombre de générations de sélection est encore inférieur à celui pour lequel on pourrait atteindre une limite, selon la taille de la population. D’autres limites sont rencontrées : biologiques au niveau du métabolisme, de la reproduction, de la survie, éthiques avec le refus de certains consommateurs d’acheter certains produits pour des raisons de bien-être animal, environnementales liées aux fluctuations de température et au débat food/feed.

 

La prise de conscience de ces enjeux par la communauté scientifique internationale se révèle forte et les solutions techniques ou génétiques pour dépasser ces limites sont diversifiées.

Les productions avicoles sont actuellement en croissance, avec des animaux aux performances de plus en plus élevées. Cette évolution s’accompagne de l’occurrence régulière de maladies métaboliques sévères (ascite, obésité) chez les poulets de chair ou de comportements anormalement violents chez les pondeuses (cannibalisme). Des acteurs de la société sont choqués et font pression sur les filières. La responsabilité de la recherche est d’avoir une attitude indépendante et critique sur ce débat sensible qui est au cœur de la durabilité. Il s’agit d’équilibrer le gain économique à court terme avec la préservation de la diversité génétique à moyen/long terme mais aussi avec le respect de l’intégrité de l’animal en tant qu’individu et pas seulement en tant que produit alimentaire.

L’analyse bibliographique conduit à identifier 4 types de limites : génétiques, biologiques, éthiques et environnementales. Des solutions techniques ou génétiques existent pour les deux premiers types de limites, même si elles paraissent de plus en plus difficiles à trouver comme dans le cas de certains défauts de qualité de viande des poulets de chair, non résolus depuis 10 ans. Les limites éthiques sont plus délicates, elles appellent à une plus grande responsabilité sociétale de l’ensemble de la filière, et pas seulement les sélectionneurs. L’exemple emblématique du ‘Poulet du Futur’ aux Pays-Bas montre comment les supermarchés ont cédé à la pression d’une association welfariste pour s’engager sur une vitesse de croissance plafonnée pour les poulets qu’ils commercialisent. Les limites environnementales correspondent à la grande sensibilité des animaux à haute performance vis-à-vis des températures élevées, des solutions génétiques existent mais n’ont pas été adoptées en raison du coût associé au développement de lignées portant des gènes majeurs d’adaptation. Enfin, le débat food/feed est perçu par la filière et la recherche, qui s’orientent vers l’utilisation d’aliments suboptimaux avec des compléments alimentaires.

Le fait marquant ici n’est pas tant cette synthèse que l’écho qu’elle a eu lors de la Conférence Européenne d’Aviculture en septembre 2018 à Dubrovnik, puisque j’ai été invitée à présenter le même sujet lors de 4 événements internationaux en 2019 : la réunion annuelle de la Poultry Science Association à Montréal en juillet 2019 (1000 participants), un séminaire invité au Roslin Institute le 2 octobre, une conférence invitée à la réunion annuelle de la branche espagnole de l’association WPSA le 17 octobre (300 participants) et une autre à la réunion annuelle de la branche israelienne de l’association WPSA le 17 novembre (200 participants). Clairement, la communauté scientifique est interpellée.

Deux messages forts ressortent de cette étude pour la génétique.1) Privilégier la sélection pour un optimum plutôt que pour un maximum, comme c’est déjà le cas avec le poids de l’œuf. Les méthodes le permettent et cette approche permettrait de dégager une marge de sélection sur d’autres caractères tels que le comportement ou la résistance aux maladies. 2) maintenir une diversité de lignées et réintroduire de la diversité génétique dans des populations comme les poules pondeuses, dont la diversité génétique diminue. Au-delà de la génétique, l’organisation de la filière avicole devrait être repensée vers plus de solidarité entre ses maillons afin d’être mieux à l’écoute de la diversité des attentes des consommateurs. La difficulté pour les sélectionneurs est de gérer une diversité de cultures en visant une clientèle mondiale, donc il faut une offre génétique diversifiée.

Contact(s)

Contact(s) scientifique(s) :

Département(s) associé(s) : Génétique Animale

Centre(s) associé(s) : Jouy-en-josas

 

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#3Perf-2: D’autres leviers biologiques et technologiques pour la multi-performance.

Voir aussi

Valorisation

  • un article de synthèse en révision favorable pour le World Poultry Science Journal, 4 conférences invitées en 2019

Références bibliographiques

Tixier-Boichard, M., 2019. From the jungle fowl to highly-performing chickens : are we reaching limits ? in revision with minor modifications by the World’s Poultry Science Journal

Date de modification : 14 septembre 2023 | Date de création : 06 décembre 2019 | Rédaction : M. Tixier-Boichard - Edition P. Huan